Le carton fait-il un bon mulch d’après la science?


Le carton fait-il un bon mulch d’après la science?

Bénéfices/risques du carton dans l’agriculture urbaine

bonhomme en carton regardant un crocus dans un jardin, une sorte de symbole du mulch carton en permaculture

S’il est une ressource abondante et accessible en ville pour couvrir le sol, c’est bien le carton! Mais beaucoup critiquent ce matériau : il serait toxique et étoufferait le sol, entre autres. Cependant on doit bien reconnaitre ses avantages, entre autre l’efficacité pour occulter la lumière, permettant des désherbages complets en toute simplicité. Dans cet article, nous jugerons de la pertinence de ce matériau de paillage en contexte urbain, à la lumière de travaux scientifiques.

Cet article prend place dans une série d’articles sur le carton et les aiguilles de pins en agriculture urbaine.

Toutes les sources sont disponibles dans un rapport d’étude bibliographique complet.

Comment est fabriqué le carton?

Le carton n’est rien d’autre que de la cellulose liée par une colle, naturelle la plupart du temps (les industriels indiquent en effet que l’amidon est le plus satisfaisant : maïs, blé, riz, tapioca, pomme de terre, sagou).

Et pour séparer la cellulose de la lignine dans le bois, on peut user de méthode mécanique ou chimique. L’industrie moderne allie bien souvent les deux méthodes.

Il est avéré que l’industrie du papier et du carton rejette des effluents dont certains sont toxiques (Une source pour la présente étude parle de 1000 tonnes par an à l’échelle du globe). D’ailleurs vu le nombre d’articles de recherche à ce sujet, on peut en déduire que ce sujet préoccupe la communauté scientifique!

Mais retenons une chose essentielle : l’industrie et le produit fini sont deux choses bien différentes. Pour bien le comprendre, faisons un parallèle avec les savons à froid : on utilise de la soude caustique, produit hautement corrosif à l’état brut. Et pourtant, on fabrique avec des savons tout ce qu’il y a de plus sain.

Après recherche, j’ai dû me rendre à l’évidence : je n’ai pas trouvé de preuves de la dangerosité du carton.

Une étude a suivi 12 échantillons de matériaux biodégradables durant un compostage aérobie de plus de 10 semaines. Ces échantillons sont composés de mélanges de substrat pour champignons usagés, de broyat de bois ou de carton ciré (avec de la paraffine) à différents degrés de concentration. L’équipe conclue que 25 à 50% de carton ondulé ciré avec le substrat de champignon améliore la rapidité et la qualité du compostage, tout en conservant des propriétés chimiques dans les tolérances de la règlementation en vigueur dans le pays de l’étude, le Canada. L’équipe indique d’ailleurs que certains composés chimiques pouvant être néfastes se dissipent tout au long du processus de compostage, ce qui est un fait intéressant.

Ici donc, on ne parle que de carton pour couvrir le sol et non pour faire du compost. On peut donc sans grand risque affirmer l’innocuité du carton comme mulch. Mais la vie du sol est pleine de mystères, et il vaut mieux ne pas conclure trop fermement les choses à ce sujet!

Le carton étouffe-t-il le sol? Pas si évident.

Cette question est légitime, car nous pouvons tous pressentir que plus un matériau est dense, et moins il laissera passer d’air. Mais on va voir que ça n’est pas forcément le problème principal.

Une autre étude fort intéressante a étudié l’impact de différents mulchs sur les flux d’air à travers le sol. Ce qui ressort est que le carton et le broyat de bois semblent donnent des résultats sensiblement différents, mais qu’utilisés ensemble le résultat est meilleur. Je n’ai malgré ça pas l’impression que l’équipe de recherche trouve cela si remarquable. Je continue à croire qu’il vaut mieux couvrir un sol avec du carton que ne pas le couvrir du tout.

Mon hypothèse concernant la meilleure efficacité du carton combiné avec du broyat est que le carton au contact de l’air va sécher et devenir imperméable. C’est la même chose qu’un sol argileux très sec et tassé en été : une petite averse ne va pas suffisamment pénétrer la terre pour rendre cette terre perméable. C’est un cercle vicieux, car le sol a paradoxalement besoin d’être humide pour avoir une bonne capacité d’absorption.

Conclusion : le carton, pas idéal mais très pertinent

Comme souvent en permaculture, ça dépend. Bien que les études scientifiques citées ici font du broyat de bois un matériau idéal, et malgré le risque d’assécher prématurément le sol si l’on utilise le carton tout seul, le carton est parfait pour désherber rapidement et naturellement de grandes surfaces. En outre, on le trouve en abondance dans les villes, et on a besoin d’aucun matériel particulier pour l’utiliser. Si l’on a un arrosage au goutte à goutte, le problème d’assèchement du sol peut même disparaitre complètement.

On finira en alertant que malgré la simplicité d’usage du carton, une certaine connaissance de la vie du sol peut être nécessaire pour appréhender complètement la complexité des stratégies de paillage.

Pour éviter les risques, on peut utiliser du carton en début de cycle de culture, et changer de mulch au bout de quelques mois. Et idéalement, toujours recouvrir le carton d’un autre mulch naturel laissant passer l’air tout en gardant le carton en dessous humide.

Bref, le carton n’est peut-être pas le mulch idéal, mais il a plus d’avantages que d’inconvénients à mes yeux. Amis permaculteurs, ne négligez pas cette ressource!

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Yan Parent, pour les Humus Pays d’Oc

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